L'obtention de la gestion scolaire par les francophones de la province

L'objectif de l'obtention de la gestion scolaire pour la province a finalement été atteint après huit années de lobbying intensif. La Fédération des parents francophones de Terre-Neuve et du Labrador qui naissait en 1989 a dû attendre jusqu'en 1997 avant de voir son grand rêve se réaliser. La Fédération des parents doit avoir recourt à deux poursuites judiciaires avant d'obtenir gain de cause. Une première poursuite intentée en 1989 permet l'ouverture de la première école francophone dans la capitale, Saint-Jean, (1990) et une deuxième, intentée en 1996, sera l'un des principaux leviers qui mènera finalement à la concrétisation de la gestion scolaire provinciale par les francophones de la province. Jamais les parents n'ont dû se présenter devant les tribunaux, mais à deux reprises ils ont déposé un avis de poursuite légale au gouvernement. Citons ici quelques passages lors du débat en Chambre prononcé par les membres de l'Assemblée législative pendant la deuxième lecture de la, "Loi pour amender la Loi sur les écoles 1996", le 16 mai 1997, déclarations qui résument bien toute l'histoire et les enjeux de cet événement historique. L'adoption de cet amendement devait mener à la mise en œuvre de la gestion scolaire dans la province par la création du Conseil scolaire francophone provincial.

Roger Grimes, ministre de l'Éducation 

"Pendant plusieurs mois il y a eu des réunions concernant les représentants des communautés francophones. À l'heure actuelle ils ont affaire à trois différents conseils scolaires sur les dix existants, et il existe maintenant cinq écoles francophones dans la province, à Labrador City, à Happy Valley - Goose Bay, à la Grand'Terre, au Cap Saint-Georges (les deux dernières situées sur la Péninsule de Port-au-Port), et ici à St. John's. Les membres de la communauté francophone ont exprimé au gouvernement il y a quelques années leur désir et leur préférence de faire valoir leurs droits selon l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Après les élections du mois de février de l'année passée, le gouvernement a fait savoir à ce groupe que, plutôt que d'endurer une attaque en justice pour voir si les nombres justifient un tel droit ou non, ce gouvernement recommanderait à tous que nous concédions ce point et que nous prenions les mesures nécessaires pour la création d'un conseil scolaire francophone. Cette législation met sur pied un tel conseil scolaire francophone. Elle leur donne un pouvoir de gestion pour structurer les écoles semblables à celui des dix autres conseils scolaires. En réalité, ces écoles existent déjà. Deux point intéressants. D'abord, la communauté francophone n'a exprimé aucun intérêt pour la création de sous-comités confessionnels ou d'autres structures de cette nature auxquels ont accès les dix autres conseils scolaires. Et deuxièmement, ils vont tout simplement administrer les écoles à base linguistique déjà existantes... Je crois, Monsieur le Président que nous sommes tous d'accord sur le fait qu'à la fin du débat sur cette question et après son adoption, ce sera un jour vraiment historique pour la communauté francophone de Terre-Neuve et du Labrador, et la réalisation d'un souhait qui s'est fait longtemps attendre d'avoir droit à l'autonomie en ce qui concerne l'organisation de l'éducation en français langue première dans cette province.

Otteinheimer, membre de l'opposition officielle et porte-parole dans le domaine de l'Éducation 

"Il y a eu, bien sûr, un lobby très actif et très fort de la part de la communauté francophone au cours des derniers mois. Il est essentiel qu'en vertu de la protection de chaque individu sous la Charte des droits et libertés, toute personne soit protégée en matière de langue et culture... Nous avons ici dans notre province une communauté française, francophone traditionnelle et viable, et ses droits et intérêts en ce qui concerne la langue et l'éducation doivent être promus et préservés.

Jack Harris, député de Signal Hill - Quidi Vidi, chef du NPD

"À mon sens, c'est d'une importance vraiment historique d'autoriser non seulement la reconnaissance qui s'impose des écoles où le français est la langue première, mais aussi de faire en sorte que leur gestion soit assurée par la communauté francophone. Monsieur le Président, un des aspects malheureux de notre histoire, avant la confédération et après, a été je n'emploierai pas le mot oppression, mais la suppression de la langue et de la culture françaises dans cette province. On a procédé ainsi pour des raisons pleines de bonnes intentions, en vue de l'assimilation, car on croyait que si nous parlions tous anglais, y compris ceux qui sont nés français, ce serait une meilleure voie à suivre et que les gens auraient la perspective d'une vie meilleure. Il n'est plus admissible (l'était-il jamais?) que la langue et la culture française soient supprimées dans cette province. Certains m'ont dit qu'à l'époque où ils étaient petits et allaient à l'école, même si le français était leur langue maternelle, ils étaient punis s'ils parlaient français en classe ou dans la cour, et quand j'emploie le mot "punir", je veux dire aussi punir au sens physique, qu'il s'agissait, bel et bien, d'une question de discipline, si des étudiants francophones parlaient français en classe ou dans la cour. Cela ne se reproduira jamais dans cette province, Monsieur le Président, et une des choses qui l'empêchera de se reproduire est la création, par le biais du projet de loi 14, du conseil scolaire et sa gestion des écoles françaises basées sur le nombre de parents et d'élèves d'origine francophone qui fréquentent ces écoles."

Roger Grimes 

"Il est évident, et j'apprécie l'observation du député, que les francophones ont en effet opté pour une démocratie peut-être plus authentique. Car ils ont choisi de créer d'abord les cinq conseils d'écoles pour leurs cinq écoles, passant à l'élection de leur conseil scolaire pour l'ensemble de la province par la suite, avec des représentants de ces cinq conseils. Ils avaient la possibilité de se permettre de mettre en place un système entièrement neuf, non encombré d'une histoire ou d'un passé comme ceux de notre système confessionnel. Ils ont retenu un système que nous aurions bien aimé mettre en place pour les autres lorsque nous avons proposé certaines mesures l'automne dernier, mais le consensus nous manquait."